Définition et finalité
La procédure d’injonction de payer est encadrée par les articles 1405 à 1425 du Code de procédure civile. L’article 1405 CPC fixe le périmètre : elle vise le recouvrement d’une créance d’origine contractuelle ou résultant d’une obligation de caractère statutaire, d’un montant déterminé. Le juge statue sur requête et pièces : il n’y a pas de débat contradictoire au stade initial, le magistrat « apprécie » la demande à partir des justificatifs produits et peut soit rejeter, soit faire droit en tout ou partie (art. 1409 CPC). L’injonction de payer s’applique autant aux situations commerciales entre professionnels qu’aux créances civiles impliquant un consommateur ou deux particuliers ; la compétence juridictionnelle varie ensuite selon la nature de la créance (art. 1406 CPC, combiné aux règles ordinaires de compétence). La logique de fond rejoint les critères classiques de créance certaine, liquide et exigible : l’exigence d’un montant déterminé et d’un fondement contractuel/statutaire découle directement de l’art. 1405 CPC, et le juge écarte la requête si une contestation sérieuse impose le contradictoire (art. 1409 CPC).
Quand y recourir
La procédure est pertinente après l’échec des démarches amiables. Une mise en demeure formalise la défaillance du débiteur et constitue celui-ci en retard ; elle sert de repère pour les intérêts moratoires (notamment art. 1231-6 et 1344 du Code civil). Attention au droit positif : sauf texte spécial, la mise en demeure n’interrompt pas la prescription ; l’interruption résulte principalement d’une demande en justice (art. 2241 C. civ.) ou d’un acte d’exécution (art. 2244 C. civ.) ou encore de la reconnaissance de la dette par le débiteur (art. 2240 C. civ.). Pour des factures impayées, des échéances contractuelles ou des loyers commerciaux, l’injonction de payer offre une voie rapide et économique : décision sur pièces (art. 1409 CPC), puis signification au débiteur dans un délai de six mois à peine de non-avenue (art. 1411-1 et 1411-2 CPC, selon les versions en vigueur), avant éventuelle opposition dans le mois suivant la signification (art. 1413 CPC).
Conditions juridiques essentielles
La créance invoquée doit entrer dans le champ de l’art. 1405 CPC : cause contractuelle ou obligation statutaire et montant déterminé. L’exigibilité doit être acquise au jour du dépôt de la requête, ce que la mise en demeure contribue à caractériser (constitution en retard, art. 1344 C. civ.). Le contrôle préalable de la prescription est indispensable : le délai de droit commun est de cinq ans pour les actions personnelles ou mobilières (art. 2224 C. civ.). Lorsque le débiteur est un consommateur poursuivi par un professionnel, le délai est de deux ans (art. L. 218-2 du Code de la consommation). Des délais spéciaux existent en certaines matières ; en leur présence, ils prévalent sur le droit commun. Enfin, depuis le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021, l’ordonnance accueillant la requête est revêtue de la formule exécutoire sans nouvelle demande, ce qui accélère le passage à l’exécution forcée (modifications des art. 1419 et s. CPC).
Compétence des juridictions
La répartition des compétences en matière d’injonction de payer est déterminée par les articles 1406 à 1408 du Code de procédure civile.
L’article 1406 CPC précise que le tribunal de commerce connaît des créances commerciales entre commerçants ou relatives à des actes de commerce au sens des articles L. 721-3 et L. 110-1 du Code de commerce. En revanche, lorsque le litige implique un consommateur ou qu’il ne présente pas un caractère commercial, la compétence revient au tribunal judiciaire, conformément à l’article 1407 CPC, qui vise les créances civiles.
La compétence territoriale obéit aux articles 42 à 46 du Code de procédure civile : le tribunal compétent est en principe celui du domicile du défendeur. Toutefois, des clauses attributives de compétence peuvent être valables entre professionnels (sous réserve d’une acceptation expresse et non abusive), mais elles sont inopposables au consommateur en vertu de l’article R. 631-3 du Code de la consommation, qui confère au consommateur le droit d’assigner ou d’être assigné devant le tribunal de son domicile. Ces règles, d’ordre public, interdisent donc toute dérogation contractuelle défavorable au consommateur.
Déroulement procédural
La procédure débute par le dépôt d’une requête auprès du greffe de la juridiction compétente, conformément à l’article 1408 CPC. La requête doit indiquer les noms, prénoms, professions, domiciles des parties, l’objet de la demande et le montant précis de la créance, et elle doit être accompagnée de toutes pièces justificatives établissant la réalité de la dette. Le juge statue sans audience et sans convoquer le débiteur, sur la seule base des éléments produits (art. 1409 CPC).
L’ordonnance peut être :
– rejetée, si la créance n’est pas suffisamment justifiée ou si un débat contradictoire paraît nécessaire ;
– partiellement acceptée, si une partie seulement de la somme est jugée due ;
– totalement acceptée, entraînant la délivrance d’une ordonnance d’injonction de payer.
Cette décision doit ensuite être signifiée au débiteur par commissaire de justice (anciennement huissier) dans un délai de six mois, à peine de non-avenue, conformément à l’article 1411 CPC. La signification est une condition de validité : sans elle, l’ordonnance perd tout effet, et le créancier doit reprendre la procédure à zéro s’il souhaite poursuivre le recouvrement.
Opposition et suite du dossier
Après signification, le débiteur dispose d’un délai d’un mois pour former opposition, en application de l’article 1413 CPC. Ce délai court à compter de la signification à personne, ou, à défaut, de la première mesure d’exécution rendant ses biens indisponibles, conformément à l’article 1415 CPC.
L’opposition rend la procédure contradictoire : le dossier est alors porté devant le tribunal saisi, et le juge statue après échanges de conclusions et production de preuves (art. 1416 CPC). En l’absence d’opposition dans les délais, l’ordonnance devient définitive et revêtue de la force exécutoire.
Force exécutoire et recouvrement
Le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 a modifié la procédure en supprimant la demande distincte d’apposition de la formule exécutoire. Désormais, celle-ci est automatiquement intégrée à l’ordonnance qui fait droit à la requête, selon les articles 1422 et 1424 CPC.
Ainsi, le créancier peut immédiatement engager les mesures d’exécution forcée prévues par le Code des procédures civiles d’exécution, notamment la saisie des comptes, la saisie-vente ou la saisie des rémunérations, tout en respectant les biens insaisissables définis par les articles L. 112-2 et suivants du CPCE.
Le débiteur peut encore payer volontairement après signification. À défaut, le commissaire de justice est habilité à mettre en œuvre les saisies appropriées dans le respect du principe de proportionnalité des mesures d’exécution.
Preuves et stratégie de dossier
La charge et les modalités de la preuve cadrent la requête. L’article 1353 du Code civil impose à celui qui réclame l’exécution d’une obligation d’en prouver l’existence et l’étendue. En matière civile, les actes juridiques d’un montant supérieur au seuil légal appellent en principe un écrit (art. 1359 C. civ.), sous réserve des exceptions prévues par la loi (art. 1360 C. civ.). En contexte commercial, la preuve se fait par tous moyens entre commerçants (art. L.110-3 C. com.), ce qui valorise la traçabilité contractuelle et opérationnelle : contrat, bon de commande accepté, preuve de livraison, factures conformes, relances et mise en demeure.
La mise en demeure constitue le débiteur en retard et sert de repère pour les intérêts moratoires (art. 1344 et 1231-6 C. civ.). Le juge statue sur pièces en injonction de payer, sans audience initiale : il apprécie la cohérence du dossier et peut rejeter la requête s’il estime qu’un débat contradictoire s’impose (art. 1409 CPC). Autrement dit, dès qu’apparaît une contestation sérieuse sur l’exécution, la qualité ou le prix, la voie de l’injonction cède place à une procédure au fond.
Avantages et limites
L’injonction de payer concentre une réponse rapide et économique aux impayés : décision sur dossier (art. 1409 CPC), signification dans les six mois à peine de non-avenue (art. 1411 CPC), opposition possible par le débiteur (art. 1413 à 1416 CPC). Cette architecture crée un levier de négociation et ouvre rapidement l’accès au titre exécutoire. Sa limite découle de sa nature non contradictoire au départ : les litiges complexes ou ambivalents quant à la preuve ne s’y prêtent pas. Dans ces cas, l’opposition réintroduit le contradictoire et replace le dossier dans la procédure contentieuse ordinaire (art. 1416 CPC).
Points de vigilance pratiques
Avant de déposer, vérifier la compétence : le tribunal de commerce pour les créances commerciales (art. 1406 CPC et art. L.721-3 C. com.), le tribunal judiciaire pour les créances civiles ou impliquant un consommateur (art. 1407 CPC), puis la compétence territoriale selon le domicile du défendeur (art. 42 à 46 CPC) avec clauses attributives inopposables au consommateur (art. R.631-3 C. conso.).
Contrôler la prescription : cinq ans pour les actions personnelles ou mobilières (art. 2224 C. civ.) et deux ans lorsqu’un professionnel agit contre un consommateur (art. L.218-2 C. conso.).
Soigner la signification : l’ordonnance devient non avenue si elle n’est pas signifiée dans les six mois (art. 1411 CPC).
Chiffrer précisément les accessoires : clause pénale (art. 1231-5 C. civ.), intérêts de retard (art. 1231-6 C. civ.) et, entre professionnels, indemnité forfaitaire de 40 € pour frais de recouvrement (art. L.441-10, II C. com.).
En l’absence d’opposition, l’ordonnance est revêtue de la formule exécutoire sans démarche supplémentaire depuis le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 (modifiant le régime des art. 1422 s. CPC), ce qui autorise les mesures d’exécution selon le Code des procédures civiles d’exécution, sous réserve des biens insaisissables (art. L.112-2 CPCE).
Côté débiteur, la réaction dans le mois est déterminante (art. 1413 CPC) ; à défaut, le titre exécutoire devient pleinement opérant. Dans tous les cas, la voie amiable demeure opportune lorsque la relation commerciale mérite d’être préservée.
Vous avez dit :
.png)






