Quand un projet déraille – prestation arrêtée en cours de route, livrables jamais fournis, retard chronique – la frustration est double : vous perdez du temps et vous avez parfois l’impression d’avoir payé “pour rien”. La question devient alors très concrète : comment récupérer les sommes versées ou faire payer ce qui est dû, sans bloquer votre activité ?
Pour les professions réglementées (avocats, experts-comptables, médecins, notaires, professions de santé, etc.), la difficulté est renforcée par l’exigence de sérieux et de conformité. Il n’est pas question de menacer à tout-va sur les réseaux ou d’envoyer des mails agressifs : il faut un recouvrement de créance structuré, traçable et proportionné.
Cet article complète celui consacré au prestataire qui stoppe sa mission. Ici, on se place de l’autre côté : vous êtes créancier, une somme vous est due, et vous cherchez comment la recouvrer efficacement.
💡 Objectif : retrouver votre argent ou une solution équivalente (remboursement partiel, geste commercial, résolution du contrat) tout en restant maître de votre image et de votre temps.
Sommaire
- Ce qu’on appelle vraiment “recouvrement de créance”
- Commencer par un recouvrement amiable structuré
- Préparer un dossier solide avant d’aller plus loin
- Quand envisager le recouvrement judiciaire ?
- Éviter de revivre la même situation : sécuriser vos prochaines relations
Ce qu’on appelle vraiment “recouvrement de créance”
Le terme “recouvrement de créance” impressionne un peu, mais la notion est simple :
vous avez une créance, c’est-à-dire une somme d’argent qui vous est due, et vous cherchez à la récupérer.
Dans la pratique, cela recouvre plusieurs situations :
- un client qui ne paie pas vos factures de prestations ou d’honoraires ;
- un prestataire à qui vous avez versé un acompte important et qui n’exécute pas sa mission ;
- un contrat résilié dans des conditions discutables, alors que vous avez déjà payé.
Ce n’est pas parce que la relation s’est dégradée que la créance disparaît. L’enjeu est de transformer un conflit flou (“il m’a planté”) en situation juridique claire :
qui doit quoi, sur quel fondement, et avec quelles preuves.
Commencer par un recouvrement amiable structuré
Avant de penser procédure, le recouvrement de créance commence presque toujours par une phase amiable. L’idée n’est pas de “se montrer gentil”, mais de mettre les choses au clair par écrit et de laisser une chance à une sortie propre.
Un recouvrement amiable efficace repose sur trois ingrédients :
- Un ton factuel et courtois
Rappeler ce qui était prévu, ce qui a été fait, ce qui ne l’a pas été, et le montant dû.
Éviter les jugements (“vous êtes de mauvaise foi”, “vous êtes incompétent”) qui braquent la discussion. - Une demande précise
Par exemple : paiement d’une facture dans un certain délai, remboursement de l’acompte pour la partie de la prestation non réalisée, proposition de solution (échéancier, avoir, résolution amiable du contrat). - Un délai clair
Indiquer une date : “merci de procéder au règlement / au remboursement avant le…”.
Cela permet ensuite de montrer que la partie adverse a laissé passer le délai malgré vos rappels.
Souvent, un ou deux mails structurés, éventuellement suivis d’un courrier recommandé, suffisent à débloquer des situations qui stagnent depuis des semaines, simplement parce que personne n’avait formalisé réellement la demande.
💡 Astuce
Même si vous discutez par téléphone, confirmez toujours par écrit ce qui a été dit (“suite à notre échange de ce jour…”). En recouvrement de créance, ce qui n’est pas écrit est très difficile à prouver.
Préparer un dossier solide avant d’aller plus loin
Si les relances amiables restent sans effet, la question n’est plus seulement “comment récupérer mon argent ?”, mais “quelles sont mes chances si je passe à l’étape suivante ?”.
À ce stade, il est utile de rassembler, calmement, toutes les pièces qui démontrent :
- l’existence de la créance (devis, contrat, CGV, factures, acomptes versés, relevés de compte) ;
- l’exécution de votre part (prestation réalisée, livrables fournis, disponibilité, échanges montrant que vous avez joué votre rôle) ;
- le comportement de l’autre partie (retards, arrêt de la prestation, absence de réponse, refus explicite de payer ou de rembourser).
Ce travail de collecte peut paraître fastidieux, mais il a deux avantages :
- il permet à un avocat, un juriste ou un professionnel du recouvrement de se faire une idée claire de vos chances,
- il impressionne souvent la partie adverse lorsque vous indiquez, dans votre mise en demeure, que le dossier est prêt et documenté.
Quand envisager le recouvrement judiciaire ?
Lorsque le recouvrement amiable échoue, il reste le recouvrement judiciaire. Il ne s’agit plus d’essayer de convaincre votre débiteur, mais de demander à un juge de trancher.
Sans entrer dans le détail technique, les options les plus fréquentes (à apprécier avec un professionnel du droit) sont :
- l’injonction de payer : procédure écrite, souvent utilisée quand la créance est certaine, liquide et exigible (facture non contestée, somme clairement due) ;
- l’assignation en paiement : si la situation est plus complexe, si la prestation est contestée ou si la relation contractuelle est elle-même litigieuse ;
- dans certains cas, des mesures conservatoires pour éviter que le débiteur n’organise son insolvabilité.
Le choix dépendra :
- du montant en jeu,
- de la qualité du dossier (preuves disponibles),
- de la réaction du débiteur (bonne foi apparente ou refus obstiné),
- de votre stratégie : obtenir rapidement un titre exécutoire, ouvrir une négociation, ou marquer un coup d’arrêt à des comportements abusifs.
Pour les professions réglementées, il est souvent pertinent de passer par un avocat : non seulement pour gérer la technique juridique, mais aussi pour s’assurer que votre propre communication reste conforme à vos obligations déontologiques.
Éviter de revivre la même situation : sécuriser vos prochaines relations
Le recouvrement de créance ne s’arrête pas à la récupération (ou non) de votre argent. C’est aussi un révélateur des failles de votre organisation.
Après un conflit de paiement, beaucoup de professionnels décident de :
- revoir leurs conditions de paiement (acomptes, échéances, pénalités de retard, frais de recouvrement) ;
- clarifier les CGV ou les lettres de mission, en précisant ce qui se passe en cas de rupture anticipée ;
- encadrer mieux les acompte importants (livrables intermédiaires, jalons, clauses de résiliation) ;
- formaliser davantage les échanges, pour ne plus se retrouver dans le flou (“on s’était dit oralement que…”).
Ce travail de fond peut paraître éloigné du recouvrement de créance, mais il en est la face préventive. Plus vos relations sont structurées, plus il est rare d’en arriver à des impayés massifs ou à des demandes de remboursement explosives.
En résumé
Le recouvrement de créance n’est pas seulement une question de relance insistante ou de “se faire payer coûte que coûte”. C’est un équilibre entre :
- la volonté légitime de récupérer les sommes qui vous sont dues ;
- le respect de votre image, de votre cadre réglementaire et de vos relations professionnelles ;
- la capacité à transformer un conflit en occasion de renforcer vos contrats et vos process.
En structurant votre recouvrement amiable, en préparant un dossier solide et, si besoin, en vous faisant accompagner pour la phase judiciaire, vous augmentez nettement vos chances d’aboutir, tout en protégeant ce qui compte le plus : la continuité et la crédibilité de votre activité.
FAQ – Recouvrement de créance : questions fréquentes des professionnels
1. À partir de quand parler de “créance” au sens juridique du terme ?
On parle de créance dès lors qu’une somme d’argent est déterminée, due et exigible.
Concrètement : une facture arrivée à échéance, un acompte versé pour une prestation non exécutée, un solde prévu au contrat. Tant que le montant est clair et que la date de paiement est dépassée, vous êtes créancier, même si votre débiteur conteste ensuite la qualité de la prestation. C’est justement ce désaccord qui sera au cœur du recouvrement amiable ou judiciaire.
2. Combien de temps puis-je attendre avant d’engager un recouvrement de créance ?
Attendre “que ça se passe” trop longtemps joue rarement en votre faveur. En pratique, on laisse un court délai après l’échéance (quelques jours), puis on envoie une ou deux relances amiables structurées. Si, malgré cela, aucune proposition sérieuse n’arrive, il est pertinent de consulter un avocat ou un professionnel du recouvrement pour ne pas laisser la situation s’enliser. ⏳
À l’inverse, agir à chaud, sans dossier ni recul, peut vous faire perdre des éléments utiles.
3. Un cabinet peut-il gérer seul son recouvrement ou faut-il forcément déléguer ?
Beaucoup de structures gèrent une première phase amiable en interne : relances, mails, coups de fil. C’est souvent suffisant pour les retards “classiques”.
En revanche, dès qu’il y a mauvaise foi assumée, montant significatif ou enjeu d’image (notamment pour les professions réglementées), l’appui d’un avocat ou d’un spécialiste du recouvrement apporte trois atouts : une analyse juridique, un discours cadré et un effet dissuasif. L’idée n’est pas de tout externaliser, mais de savoir à quel moment passer la main.
4. Le recouvrement de créance ne risque-t-il pas de détériorer définitivement la relation commerciale ?
Tout dépend de la manière dont il est conduit. Un recouvrement de créance brutal, agressif et public brise souvent la confiance. Un recouvrement clair, argumenté, respectueux peut au contraire remettre des limites saines : chacun sait ce qu’il doit à l’autre, et les règles sont posées.
Dans certains cas, la relation ne peut pas être sauvée, et ce n’est pas forcément un problème : l’essentiel est de sortir du flou, de récupérer ce qui peut l’être, et de renforcer vos contrats pour vos clients ou prestataires futurs.







