Contrôle fiscal en entreprise : obligations, droits et risques à connaître avant une vérification
Chaque entreprise peut faire l’objet d’un contrôle fiscal, qu’il s’agisse d’un auto-entrepreneur, d’une PME ou d’un grand groupe. Cette procédure permet à l’administration de vérifier la conformité des déclarations d’impôt et le respect de la législation. En connaître les règles clés permet de s’y préparer avec sérénité.
1. Le cadre du contrôle fiscal
Le contrôle fiscal vise à s’assurer de la sincérité des déclarations d’une entreprise et de l’exactitude des impôts dus.
Selon l’article L.10 du Livre des procédures fiscales (LPF), l’administration est habilitée à contrôler toutes les déclarations et actes utilisés pour l’établissement des impôts et taxes.
Trois formes principales existent :
- Le contrôle sur pièces, effectué à distance sans avertissement préalable ;
- L’examen de comptabilité, possible uniquement pour les comptabilités dématérialisées ;
- La vérification de comptabilité, conduite dans les locaux de l’entreprise, après notification d’un avis adressé par lettre recommandée au moins 48 heures avant le début du contrôle (art. L.47 LPF).
Le contrôle peut aussi se tenir chez l’expert-comptable lorsque les locaux de l’entreprise sont inadaptés.
2. Un contrôle peut-il être inopiné ?
Oui, mais uniquement lorsque l’administration redoute la disparition d’éléments de preuve.
En dehors de ce cas, l’entreprise est prévenue à l’avance. En cas d’examen de comptabilité, elle dispose de 15 jours pour transmettre le fichier des écritures comptables (FEC).
L’article L.47 A-I LPF encadre strictement ces délais.
Depuis plusieurs années, les contrôles sont souvent déclenchés à partir de traitements automatisés de données (« data mining »). L’administration peut également proposer une régularisation spontanée avec intérêts de retard réduits, si la bonne foi du contribuable est établie.
3. Fréquence et typologie des contrôles sur place
Les contrôles sur place, dits vérifications de comptabilité, ne représentent qu’une minorité des opérations fiscales menées chaque année.
Selon les bilans d’activité de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), près de 70 % des contrôles sont aujourd’hui réalisés à distance, via l’examen de comptabilité ou le contrôle sur pièces. Ce recours accru au contrôle dématérialisé découle de deux tendances :
- La généralisation de la comptabilité électronique, qui permet à l’administration d’accéder directement aux fichiers comptables sans déplacement.
- L’utilisation du data mining fiscal, autorisée depuis 2017 (article L.47 AA du LPF), qui cible les entreprises présentant des risques accrus d’erreurs ou de dissimulation.
Ainsi, les petites structures, professions libérales ou micro-entreprises sont le plus souvent contrôlées à distance. À l’inverse, les sociétés à chiffre d’affaires élevé, à activités complexes (filiales, opérations internationales, flux intragroupe) ou à fort volume de TVA sont plus susceptibles de faire l’objet d’un contrôle sur place.
Cette distinction répond à un principe de proportionnalité : l’administration adapte ses moyens au niveau de risque fiscal, à la complexité de l’activité et à la capacité de contrôle sur pièces.
Les entreprises classées « grands comptes » ou « ETI » font ainsi l’objet de vérifications périodiques, parfois annuelles, souvent menées dans leurs locaux afin de permettre un examen approfondi des opérations comptables, financières et juridiques.
Le contrôle sur place conserve donc un rôle essentiel : il demeure le seul moyen d’évaluer concrètement la cohérence des opérations et la sincérité des justificatifs présentés par l’entreprise.
4. Documents à produire
Lorsqu’un contrôle fiscal est engagé, le représentant de l’administration peut demander tous documents comptables et pièces justificatives nécessaires à la vérification des déclarations de l’entreprise.
L’article L.13 du LPF prévoit explicitement que « le contribuable est tenu de présenter sa comptabilité et tous documents s’y rapportant ».
a) Les documents comptables obligatoires
Le vérificateur exigera généralement :
- le fichier des écritures comptables (FEC), obligatoire depuis le 1ᵉʳ janvier 2014 pour toute comptabilité informatisée (art. L.47 A-I LPF) ;
- les journaux comptables (journal général, grand livre, balance) ;
- les factures d’achat et de vente, devis et bons de commande ;
- les relevés de comptes bancaires professionnels ;
- les contrats commerciaux ou de prestation ;
- les registres légaux (registre des immobilisations, des stocks, des assemblées, etc.).
Le refus ou la remise tardive du FEC entraîne une amende prévue à l’article 1735 ter du CGI et peut justifier l’application d’une procédure de taxation d’office.
b) La période contrôlable
Le champ temporel du contrôle est limité aux trois derniers exercices clos au moment de la vérification, conformément à l’article L.169 du LPF.
Exemple : pour un contrôle engagé en 2025, les exercices 2024, 2023 et 2022 peuvent être examinés.
Toutefois, des exceptions de prescription sont prévues :
- six ans en cas d’activité occulte (art. L.176 LPF) ;
- dix ans en cas de découverte d’une activité dissimulée à l’étranger ou de manœuvre frauduleuse (art. L.187 LPF).
L’avis de vérification doit mentionner les années concernées et les impôts visés. Une fois cette période vérifiée, elle ne peut être réexaminée que si des faits nouveaux sont révélés postérieurement au contrôle (art. L.51 LPF).
Enfin, le contribuable est invité à conserver l’intégralité de ses pièces comptables pendant au moins six ans, durée correspondant à la prescription de droit commun, afin de pouvoir les produire à toute demande de l’administration.
5. Déroulement du contrôle
Le contrôle débute par la remise de la charte du contribuable vérifié, document obligatoire.
S’ouvre ensuite un débat oral et contradictoire entre le vérificateur et le représentant de l’entreprise, comme le prévoit l’article L.47 LPF.
Le chef d’entreprise peut être assisté d’un expert-comptable ou d’un avocat fiscaliste.
Des échanges complémentaires peuvent avoir lieu par courrier, téléphone ou visioconférence. Les demandes de précisions doivent recevoir réponse dans un délai minimum de deux mois.
Durée maximale :
- 6 mois pour un examen de comptabilité ;
- 3 mois pour un contrôle sur place concernant les petites entreprises dont le chiffre d’affaires n’excède pas :
- 818 000 € pour les activités de vente ;
- 247 000 € pour les prestations de services ;
- 365 000 € pour les activités agricoles.
À l’issue, l’administration adresse soit un avis d’absence de rectification, soit une proposition de rectification détaillant les points litigieux.
6. Sanctions possibles
En cas d’irrégularités, l’entreprise doit verser les impôts éludés assortis de pénalités et d’intérêts de retard (0,20 % par mois).
Les majorations applicables sont prévues par les articles 1728 à 1729 du Code général des impôts (CGI) :
- 10 % pour simple retard sans mise en demeure ;
- 40 % pour manquement délibéré ou déclaration tardive après mise en demeure ;
- 80 % pour activité occulte ou manœuvre frauduleuse ;
- 100 % en cas d’opposition au contrôle.
En cas de fraude fiscale avérée, le dirigeant encourt des sanctions pénales : jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 2 500 000 € d’amende (art. 1741 CGI).
7. Voies de contestation
L’entreprise dispose d’un délai de 30 jours, prorogeable de 30 jours supplémentaires, pour contester la proposition de rectification (art. L.57 LPF).
Si le désaccord persiste, le dossier peut être soumis à une commission départementale de conciliation ou à la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, selon le cas.
Le supérieur hiérarchique du vérificateur peut également être saisi.
Le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel est en principe protégé ; seule l’entreprise est redevable.
En cas de fraude, la responsabilité du dirigeant peut être engagée (art. L.267 LPF).
8. Protection et assistance
Certaines assurances professionnelles intègrent une protection fiscale.
Elles couvrent :
- les honoraires d’expert-comptable (en moyenne 3 500 €) ;
- l’intervention d’un avocat fiscaliste ;
- les frais de procédure judiciaire le cas échéant.
Ce type de couverture permet d’alléger le coût d’un contrôle approfondi et de garantir une défense technique adaptée.
En résumé
Le contrôle fiscal est une procédure encadrée, aux droits et délais précis.
Une comptabilité tenue avec rigueur, des justificatifs conservés et une attitude coopérative constituent les meilleures garanties pour traverser sereinement cette étape.
FAQ – Contrôle fiscal en entreprise
1. Quelles entreprises sont concernées par le contrôle fiscal ?
Toutes les entreprises peuvent être contrôlées, sans distinction de taille ni de statut juridique.
Le Livre des procédures fiscales (LPF, art. L.10) confère à l’administration le droit de vérifier toute déclaration d’impôt, qu’il s’agisse d’un auto-entrepreneur, d’une société ou d’une association fiscalisée.
La sélection repose sur des critères de risque établis par la Direction générale des finances publiques (DGFiP) : anomalies dans les déclarations, marges anormalement faibles, incohérences comptables ou signaux détectés par des algorithmes de data mining.
En 2024, plus de 45 % des contrôles ont été déclenchés à partir d’analyses automatisées de données. Cela montre une politique de ciblage accrue plutôt qu’un aléa total.
2. Quelle est la différence entre un contrôle sur pièces et une vérification de comptabilité ?
Le contrôle sur pièces consiste à examiner les déclarations de l’entreprise à distance, sans que celle-ci soit informée. Il s’appuie sur les documents déjà transmis à l’administration.
La vérification de comptabilité, quant à elle, implique le déplacement d’un vérificateur dans les locaux de l’entreprise, avec un avis préalable (art. L.47 LPF).
Le choix de la méthode dépend du niveau de risque présumé et du volume d’activité : les TPE et professions libérales sont majoritairement contrôlées sur pièces, tandis que les groupes ou sociétés à flux complexes font l’objet d’un contrôle sur place pour examiner plus finement les opérations financières, contrats intragroupe et mouvements de trésorerie.
3. Quels documents faut-il préparer ou conserver ?
L’entreprise doit présenter tous les éléments comptables justifiant ses déclarations :
- le fichier des écritures comptables (FEC) pour les comptabilités informatisées (art. L.47 A-I LPF) ;
- les journaux comptables, grands livres, balances ;
- les factures, relevés bancaires et contrats ;
- les registres légaux (immobilisations, assemblées, stocks).
La période vérifiable est limitée aux trois derniers exercices clos (art. L.169 LPF).
En cas d’activité occulte ou de fraude, la prescription passe à six ans (art. L.176 LPF) voire dix ans (art. L.187 LPF).
Le chef d’entreprise doit donc conserver ses pièces justificatives pendant au moins six ans, voire dix ans en cas de doute sur la régularité de certaines opérations.
4. Que se passe-t-il à la fin du contrôle ?
Le contrôle s’achève par une notification écrite. Deux cas possibles :
- Absence de rectification : le vérificateur considère que la comptabilité est régulière. L’entreprise reçoit un avis de non-redressement.
- Proposition de rectification : le fisc relève des erreurs ou omissions. Ce document détaille les montants redressés, les motifs juridiques et le calcul des pénalités.
L’entreprise dispose alors de 30 jours (prolongeables à 60 sur demande) pour présenter ses observations ou contester les conclusions (art. L.57 LPF).
Le débat contradictoire est un droit fondamental du contribuable. En cas de désaccord persistant, le dossier peut être soumis à la commission départementale des impôts ou à un médiateur fiscal.
5. Quelles sont les sanctions possibles en cas d’erreurs ou de fraude ?
Les redressements fiscaux entraînent le paiement de l’impôt dû, des intérêts de retard (0,20 % par mois, art. 1727 CGI) et de majorations variables selon la gravité :
- 10 % pour dépôt tardif spontané ;
- 40 % pour manquement délibéré ou dépôt après mise en demeure ;
- 80 % pour activité occulte ou manœuvres frauduleuses ;
- 100 % en cas d’opposition au contrôle.
Les fraudes les plus graves exposent le dirigeant à des sanctions pénales (jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 2 500 000 € d’amende – art. 1741 CGI).
En revanche, les erreurs commises de bonne foi peuvent être régularisées durant le contrôle, avec intérêts de retard réduits (art. L.62 LPF).







