Comment obliger l'acheteur à changer la carte grise à son nom ?
Lorsque vous vendez un véhicule, vous vous attendez naturellement à ce que l’acheteur respecte les procédures légales pour effectuer le changement de titulaire.
Pourtant, il arrive fréquemment que des anciens propriétaires continuent à recevoir des amendes ou « PV » pour des infractions commises par le nouveau propriétaire. Cette situation résulte généralement du fait que l’acheteur n’a pas effectué la mutation de la carte grise.
Alors, comment forcer l'acheteur à changer la carte grise à son nom ? Cet article vous apportera des réponses, des solutions concrètes et des conseils juridiques pour régler ce problème récurrent.
La problématique : mutation de carte grise non faite et amendes injustifiées
Lorsque vous cédez votre véhicule, trois étapes clés doivent être suivies :
- Remplir et signer le certificat de cession (Cerfa 15776) ;
- Enregistrer la cession en ligne sur le site de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) ou en préfecture ;
- Le changement de titulaire sur la carte grise par l'acheteur.
Toutefois, si l’acheteur n’effectue pas la troisième étape, le système des immatriculations des véhicules (SIV) continue de reconnaître l’ancien propriétaire comme responsable du véhicule.
En conséquence, toute infraction au code de la route sera notifiée à l’ancien propriétaire, bien que celui-ci n’ait plus la possession du véhicule. Cette situation est particulièrement frustrante et peut entraîner des complications juridiques et financières pour l’ancien titulaire.
Pourquoi le PV est-il envoyé à l'ancien propriétaire malgré l'enregistrement de cession ?
Il est légitime de se demander pourquoi, après avoir enregistré une cession de véhicule, les anciens propriétaires continuent de recevoir des amendes. La réponse réside dans le Système d’Immatriculation des Véhicules (SIV), mis en place par l’arrêté du 9 février 2009.
Ce système, géré par l’Agence Nationale des Titres Sécurisés (ANTS), ne considère le changement de propriétaire effectif qu’à partir du moment où l'acheteur a finalisé la demande de changement de carte grise. En vertu de l’article L322-4 du Code de la route, tant que cette formalité n’a pas été réalisée, c’est l’ancien titulaire qui reste officiellement responsable du véhicule.
Le certificat de cession n'est pas suffisant pour transférer la responsabilité
Le certificat de cession (Cerfa 15776), bien qu’indispensable à l’enregistrement de la vente, ne transfère pas automatiquement la responsabilité du véhicule à l’acquéreur.
Tant que l'acheteur ne finalise pas le changement de titulaire auprès de l'ANTS, les autorités continueront d’envoyer les PV à l’ancien propriétaire, qui demeure responsable légalement de tout ce qui se passe avec le véhicule, conformément à l’article L121-2 du Code de la route.
Pourquoi ne pas envoyer les PV directement à l’acheteur ?
Une idée qui pourrait sembler logique serait d’envoyer directement les PV à l'acheteur dont les coordonnées figurent sur le certificat de cession. Cependant, cette approche présente plusieurs risques.
Premièrement, comme mentionné dans l’article R322-5 du Code de la route, il est possible que certaines ventes soient annulées ou non abouties, et l’envoi de PV à une personne qui n'a pas encore complété le changement de carte grise pourrait créer de graves désagréments juridiques.
Deuxièmement, cela ouvrirait la porte à des abus : des conducteurs pourraient enregistrer de fausses cessions ou faire des transactions frauduleuses pour échapper à leurs responsabilités, conformément à l’article L121-1 du Code de la route.
Ainsi, pour éviter ces fraudes potentielles, la législation maintient l’ancien propriétaire comme titulaire tant que le changement officiel n’a pas été enregistré.
Les conséquences d'une non-mutation de la carte grise
L’absence de mutation de la carte grise par l'acheteur pose plusieurs problèmes légaux et pratiques. Outre les amendes injustifiées que l’ancien propriétaire peut recevoir, il existe des risques encore plus sérieux :
- Rouler sans assurance : En vertu de l’article L211-1 du Code des assurances, tout véhicule circulant sur la voie publique doit être assuré. Si le nouveau propriétaire n’a pas mis la carte grise à son nom, il est possible que le véhicule circule sans assurance valide, exposant l'ancien propriétaire à des poursuites si un accident survient.
- Non-respect des obligations techniques : La non-réalisation de la mutation de la carte grise permet au nouveau propriétaire d’échapper au contrôle technique, une obligation stipulée par l’article R323-1 du Code de la route. Cela représente un danger pour la sécurité routière et une responsabilité pour l’ancien propriétaire, qui reste enregistré comme titulaire du véhicule.
- Fraude fiscale et administrative : Ne pas faire le changement de carte grise permet aussi à certains acquéreurs de ne pas payer les taxes liées à l’immatriculation du véhicule, un manque à gagner pour l’État.
Comment obliger l'acheteur à mettre la carte grise à son nom ?
De nombreux anciens propriétaires se demandent comment forcer l’acheteur à accomplir cette démarche. Malheureusement, il n’existe pas de procédure spécifique pour obliger un acheteur à respecter ses obligations légales.
Selon l’article L322-4-1 du Code de la route, la responsabilité de faire le changement de titulaire incombe à l'acquéreur, mais aucune disposition ne permet d’engager directement des poursuites pour forcer cette régularisation.
La police et la gendarmerie se montrent généralement réticentes à intervenir dans ce type de dossier, estimant que cela relève du domaine civil.
Contester les PV grâce à l’enregistrement de cession
Toutefois, l'ancien propriétaire peut se protéger en contestant les PV reçus. Pour ce faire, il est impératif de fournir des preuves solides, telles que :
- Le récépissé de l'enregistrement de la cession obtenu lors de la déclaration de la vente via l'ANTS.
- Une copie du certificat de cession signé par les deux parties.
En application de l’article L121-3 du Code de la route, il est possible de contester chaque amende en prouvant que vous n’êtes plus le propriétaire du véhicule au moment de l’infraction. Les contestations doivent être adressées à l'officier du ministère public en charge du traitement des PV.
Le rôle des forces de l’ordre et des administrations
Bien que les forces de l’ordre n’aient pas de procédure formelle pour contraindre l’acquéreur à changer la carte grise, des actions peuvent être envisagées. L’article R322-4 du Code de la route permet à un ancien propriétaire de déposer plainte pour signaler la non-régularisation de la carte grise, et les forces de l’ordre peuvent convoquer l'acheteur pour vérification des documents.
Voici un processus qui pourrait être plus systématique :
- Dépôt de plainte au commissariat pour signaler la non-mutation.
- Transmission de la plainte au commissariat ou à la gendarmerie du lieu de résidence de l’acquéreur.
- Convocation de l’acheteur pour vérifier l’immatriculation.
Ce type d’intervention permettrait de soulager les anciens propriétaires et d’aider l’État à atteindre ses objectifs en matière de lutte contre le défaut d’assurance, comme prévu par l’article L211-9 du Code des assurances. En effet, les véhicules circulant sans assurance sont un risque majeur pour la sécurité routière.
Conclusion
La non-mutation de la carte grise après la vente d'un véhicule est un problème récurrent qui peut causer de nombreux tracas aux anciens propriétaires.
Bien qu'il n'existe pas de solution miracle pour obliger un acheteur à mettre la carte grise à son nom, il est possible de contester les PV reçus grâce aux documents justifiant la vente. De plus, la médiatisation et le recours aux forces de l’ordre peuvent aider à résoudre certaines situations.