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Travail

Comment agir face au harcèlement moral au travail : définition, preuves et sanctions

Par LDJ
Publié le
22/9/2024
harcelement au travail

Comme agir face à un harcèlement moral au travail ?

Le harcèlement moral au travail constitue une atteinte grave aux droits et à la dignité des salariés.

En France, la loi protège les travailleurs contre cette forme de violence psychologique qui peut avoir des répercussions dévastatrices sur la santé physique et mentale des victimes.

Cet article vise à définir clairement ce qu'est le harcèlement moral, à explorer les preuves nécessaires pour le caractériser, et à examiner les démarches de dénonciation, tant pour les salariés que pour les employeurs.

I - Qu'est-ce que le harcèlement moral au travail ?

Le harcèlement moral est une forme de violence psychologique au travail, strictement encadrée par la loi française.

Ce phénomène est défini par les articles L1152-1 à L1152-6 du Code du travail, qui précisent que le harcèlement moral consiste en des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, pouvant porter atteinte à ses droits, à sa dignité, à sa santé physique ou mentale, et compromettre son avenir professionnel.

Contrairement à d'autres formes de comportement délictueux, l'intentionnalité de ces actes n’est pas une condition requise pour qualifier les faits de harcèlement moral. Ce cadre légal permet de mieux protéger les salariés en ne leur imposant pas de démontrer que le harceleur avait pour objectif de nuire.

Le Code pénal, à l'article 222-33-2, réprime sévèrement ces actes, prévoyant des peines allant jusqu'à deux ans d'emprisonnement et une amende de 30 000 euros pour les auteurs de harcèlement moral.

Cette dualité entre le Code du travail et le Code pénal permet d'engager à la fois des sanctions disciplinaires au sein de l'entreprise et des sanctions pénales pour les agissements les plus graves.

1.1 - Qui peut être harceleur ?

Le harcèlement moral peut émaner de diverses personnes dans l’entreprise.

Traditionnellement, on pense au supérieur hiérarchique comme harceleur, mais la jurisprudence a étendu cette notion à tout individu ayant une influence ou une autorité sur le salarié, qu’elle soit formelle ou informelle. Ainsi, l’employeur, un collègue, un client ou même un prestataire externe peut être à l’origine des faits de harcèlement.

La Cour de cassation a même admis qu'une personne n'ayant aucun lien hiérarchique direct avec la victime pouvait être reconnue comme harceleur, dès lors qu’elle a contribué à la dégradation des conditions de travail (Cour de cassation, civile, chambre sociale, 6 avril 2011, n°10-30.284).

Ce principe est d’une importance capitale dans les environnements de travail modernes, où les rapports de subordination sont parfois flous, avec des équipes travaillant en mode projet ou des prestataires qui agissent de manière continue dans l’entreprise.

Par exemple, dans les situations de sous-traitance, un client ou un donneur d'ordre peut également être considéré comme harceleur moral s’il adopte des comportements portant atteinte au salarié d'une entreprise sous-traitante.

Exemples de jurisprudence :
  • Une affaire de harcèlement collectif (ou "mobbing"), où plusieurs collègues agissent de concert pour isoler un salarié, peut aussi être retenue par les tribunaux. Dans ce cadre, la théorie du mobbing, développée par le psychosociologue Heinz Leymann, est souvent utilisée pour identifier les comportements types : exclusion sociale, dénigrement systématique, fausses accusations, etc.

1.2 - Les signes de harcèlement moral

Pour que des faits de harcèlement moral soient reconnus, ils doivent être constitués par des agissements répétés ayant pour conséquence la dégradation des conditions de travail du salarié.

Ces comportements, souvent insidieux, peuvent s’exprimer de différentes manières :

  • Humiliations publiques : Réprimandes ou critiques faites devant d'autres employés de manière répétée, ce qui a pour effet d’abaisser la victime et de la discréditer professionnellement. Exemple : un employeur qui fait constamment des remarques dégradantes sur les compétences d'un salarié en pleine réunion.
  • Dénigrement constant : La victime se retrouve la cible de commentaires désobligeants sur son travail, ses compétences, voire sa personnalité. Cette critique systématique peut mener à la perte de confiance en soi et de motivation du salarié.
  • Attribution de tâches inutiles ou dévalorisantes : Le harceleur peut attribuer des missions insignifiantes ou hors du champ de compétences du salarié, ce qui a pour but de le marginaliser ou de lui faire perdre toute utilité dans l’entreprise. Exemple : assigner des tâches de nettoyage à un cadre administratif.
  • Isolement ou mise au placard : Un salarié peut être progressivement isolé du reste de l’équipe, soit physiquement (changement de bureau éloigné, suppression de réunions), soit en termes de responsabilités (on ne lui confie plus de dossiers importants). Cette mise à l’écart peut être extrêmement destructrice pour la victime.
  • Menaces et agressions verbales : Les harceleurs peuvent également adopter une attitude agressive, voire violente, envers le salarié. Menaces de licenciement, remarques sarcastiques et insultes répétées sont autant de signes d’une situation de harcèlement moral.

Dans chaque cas, l’élément clé reste la répétition des actes. Une agression ponctuelle ou un conflit unique ne suffisent pas à caractériser le harcèlement moral.

Toutefois, des agissements qui semblent anodins lorsqu'ils sont isolés peuvent, une fois répétés, s’inscrire dans un cadre de harcèlement.

Les tribunaux apprécient donc l’ensemble des faits sur une période donnée pour déterminer s’ils constituent une véritable dégradation des conditions de travail.

II - Les obligations de l'employeur face au harcèlement moral

L'article L4121-1 du Code du travail impose à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour garantir la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés.

Cette obligation inclut la prévention des risques psychosociaux, dont le harcèlement moral.

En vertu de cette disposition, l'employeur a l’obligation de mettre en place un environnement de travail sain et sécuritaire, en prenant des actions concrètes pour prévenir toute forme de harcèlement.

L'employeur doit donc :

  • Sensibiliser ses employés via des formations, en particulier les managers et représentants du personnel, afin qu’ils puissent détecter les comportements inappropriés et intervenir rapidement.
  • Mener des enquêtes rigoureuses lorsqu'un salarié signale des faits de harcèlement moral. Ces enquêtes doivent être objectives et impartiales, en recueillant des témoignages et en examinant tous les éléments factuels à disposition.
  • Sanctionner les auteurs des faits après vérification de la matérialité des accusations. Selon la gravité des faits, l’employeur peut appliquer une gamme de sanctions disciplinaires, allant de l’avertissement au licenciement pour faute grave.

Si l'employeur manque à son devoir de prévention, il peut être tenu responsable des conséquences sur la santé du salarié harcelé.

Cette responsabilité est souvent reconnue par les tribunaux, qui considèrent que l’employeur n’a pas seulement l’obligation de réagir aux cas de harcèlement avéré, mais aussi celle de prévenir ces situations avant qu’elles ne surviennent.

La Cour de cassation a à plusieurs reprises confirmé cette responsabilité, en soulignant que l’employeur est redevable en cas de manquement à cette obligation de sécurité.

III - Comment prouver le harcèlement moral au travail ?

La question de la preuve est cruciale dans les affaires de harcèlement moral. Le salarié doit apporter des éléments permettant de présumer l'existence de faits constitutifs de harcèlement.

Toutefois, il est important de souligner qu’il n'est pas nécessaire pour la victime de prouver que ces faits étaient intentionnels.

Cela permet d’alléger le fardeau de la preuve pour la victime, qui peut simplement démontrer que des actes répétés ont dégradé ses conditions de travail.

Parmi les preuves recevables, on trouve :

  • Témoignages de collègues ou de personnes présentes lors des agissements de harcèlement ;
  • Échanges d'emails, SMS ou tout autre type de communication documentant les faits ;
  • Notes internes ou documents d'entreprise montrant des comportements inappropriés ;
  • Certificats médicaux attestant de la dégradation de la santé du salarié, notamment en cas de stress, d'anxiété ou de dépression liée aux actes de harcèlement.

Une fois ces éléments de preuve fournis, il incombe à l'employeur de prouver que ses agissements ou ceux de ses subordonnés étaient justifiés par des raisons objectives et qu’ils ne constituaient pas du harcèlement moral.

Ce renversement de la charge de la preuve est un élément essentiel de la protection des victimes de harcèlement moral en France, leur offrant un cadre juridique plus favorable pour obtenir réparation.

IV - Les recours du salarié victime de harcèlement moral

4.1 - Recours extrajudiciaires

Avant d’engager des actions judiciaires, le salarié victime de harcèlement moral peut explorer des recours extrajudiciaires.

En premier lieu, il peut choisir de s'adresser au Comité Social et Économique (CSE) ou au médecin du travail pour signaler les faits.

Ces instances ont pour rôle de conseiller et d'accompagner le salarié, tout en collaborant avec l'employeur pour trouver une solution à la situation.

  • Le CSE dispose d’un droit d’alerte en matière de harcèlement moral, ce qui lui permet d’intervenir pour tenter de résoudre le problème en interne.
  • Le médecin du travail, tenu au secret professionnel, peut être consulté par le salarié. Il peut recommander des aménagements au poste de travail ou proposer des mesures visant à améliorer la santé du salarié.

Ces démarches permettent parfois de trouver une solution rapide sans recourir à la justice.

4.2 - Recours judiciaires

Si les démarches internes n'aboutissent pas ou si le salarié estime que la situation nécessite une intervention plus formelle, il peut alors saisir les tribunaux.

Deux types de recours judiciaires s'offrent à lui :

  • Le recours civil, en saisissant le Conseil de prud’hommes. Le salarié peut y demander des dommages et intérêts pour le préjudice moral subi ou demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail si les conditions ne permettent plus de continuer à travailler dans l’entreprise. Cette résiliation aux torts de l’employeur peut s’accompagner de compensations financières importantes.
  • Le recours pénal, où le salarié peut porter plainte contre le harceleur. Dans ce cadre, le Code pénal prévoit des peines allant jusqu'à deux ans d'emprisonnement et une amende de 30 000 € pour les auteurs de harcèlement moral. Le salarié peut se constituer partie civile pour obtenir des dommages et intérêts au pénal en parallèle du procès.

Dans le cadre de ces recours, il est possible de recourir à la médiation avant de saisir les tribunaux. La médiation permet aux deux parties de tenter de régler leur différend de manière amiable, avec l’aide d’un médiateur neutre. Si cette démarche échoue, le salarié peut alors poursuivre la procédure judiciaire classique.

V - Les sanctions et indemnités pour harcèlement moral

Les sanctions contre le harceleur peuvent varier en fonction de la gravité des faits et des éléments apportés en preuve.

Elles peuvent aller de la simple sanction disciplinaire à une condamnation pénale. En cas de reconnaissance des faits de harcèlement moral, l'employeur peut décider de :

  • Prononcer une mise à pied temporaire ;
  • Opter pour une mutation ou une rétrogradation du salarié fautif ;
  • Aller jusqu'au licenciement pour faute grave du harceleur.

Du côté des indemnités, le salarié harcelé peut obtenir plusieurs types de compensation :

  • Des dommages et intérêts pour préjudice moral, c’est-à-dire pour la souffrance psychologique ou physique subie à cause des actes de harcèlement ;
  • Une indemnisation pour le manquement à l'obligation de sécurité de l’employeur, prévue par l’article L4121-1 du Code du travail ;
  • Des indemnités spécifiques si le harcèlement moral est reconnu comme étant à l'origine d'une maladie professionnelle ou d’un accident de travail.

En outre, si le salarié est licencié en raison de la dénonciation de faits de harcèlement moral, ce licenciement est considéré comme nul.

Dans cette situation, le salarié peut demander à être réintégré dans l’entreprise ou choisir de percevoir des indemnités spécifiques, correspondant à une rupture abusive de son contrat.

Ces indemnisations peuvent inclure des dommages et intérêts liés à la perte d’emploi ainsi qu’à la violation des droits du salarié.

Conclusion

Le harcèlement moral au travail est un fléau qui peut détruire non seulement la carrière d'un salarié, mais aussi sa santé physique et mentale.

Il est essentiel que les employeurs prennent les mesures nécessaires pour prévenir de tels agissements et pour agir rapidement lorsqu'ils se produisent.

Les victimes de harcèlement moral disposent de recours variés, que ce soit en interne au sein de l'entreprise ou en saisissant les tribunaux.

FAQ :

Peut-on dénoncer le harcèlement moral anonymement au sein de l'entreprise ?

Oui, il est possible de dénoncer des faits de harcèlement moral de manière anonyme. Plusieurs entreprises mettent en place des boîtes à suggestions anonymes ou des lignes de signalement dédiées à la gestion des risques psychosociaux. Cependant, la procédure d'enquête peut être plus compliquée, car l’anonymat limite souvent la collecte de preuves directes et la possibilité de confronter les parties. Il est donc conseillé, dans la mesure du possible, de fournir des éléments factuels même anonymement.

Que se passe-t-il si le harcèlement moral conduit à une dépression reconnue comme maladie professionnelle ?

Si le salarié développe une dépression liée à un harcèlement moral, celle-ci peut être reconnue comme maladie professionnelle. Cela entraîne plusieurs droits, notamment :

  • Une prise en charge des frais médicaux par la sécurité sociale ;
  • Une possible rente ou indemnité en fonction de la gravité des séquelles ;
  • La possibilité de recevoir des dommages et intérêts de la part de l’employeur en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de ce dernier.

Un salarié peut-il être harcelé moralement par un groupe de collègues ?

Oui, le harcèlement moral collectif est reconnu et correspond à une situation dans laquelle plusieurs collègues agissent de manière coordonnée pour isoler ou exclure socialement une personne (phénomène de mobbing). Ce type de harcèlement est particulièrement destructeur, car il implique une marginalisation continue, souvent subtile et difficile à prouver. Les témoignages de tierces personnes et la documentation des faits sont cruciaux pour prouver ce type de harcèlement.

Est-ce que le harcèlement moral peut justifier une rupture conventionnelle ?

Oui, un salarié victime de harcèlement moral peut solliciter une rupture conventionnelle de son contrat de travail. Cela permet une séparation amiable avec l’employeur, tout en bénéficiant d’une indemnité de rupture. Cependant, si le harcèlement est avéré, il est souvent conseillé de privilégier la résiliation judiciaire du contrat ou la prise d’acte de rupture pour obtenir des dommages et intérêts. La rupture conventionnelle, bien qu'elle puisse apporter une solution rapide, ne permet pas de réparer intégralement le préjudice subi.

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